Le jour où Nina Simone a cessé de chanter, Darina Al Joundi et Mohamed Kacimi

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C’est un magnifique livre qui mêle l’historique à l’intime.

Darina Al Joundi nous raconte son père, la guerre au Liban, Arnoun, Beyrouth, l’exil, Bagdad, Fairouz et encore l’exil. Elle nous explique aussi, comment, d’un jour à l’autre elle est devenue musulmane alors qu’athée. Elle nous décrit le Liban, ses guerres, ses effondrements et ses redressements. Tout ça, c’est jusqu’à la moitié du livre. Elle nous décrit Beyrouth comme la plus belle ville du monde. Elle m’a rappelé mes premières vacances seule avec mon père. C’était en 2009, trois ans après la guerre de l’été 2006 et une année après les conflits de 2008. Les bâtiments qui longeaient l’aéroport portaient encore l’impact des bombes. A part cet endroit précis, le pays semblait rétabli (le Liban est petit et en un jour nous avions parcouru de Baalbek à Tyr), la vie avait repris son cours et des immeubles demandaient à être construit sur la côte. Darina Al-Joundi appelle cela l’amnésie, j’avais plutôt perçu cela comme de la résistance.

Au départ, on ne se rend pas compte à quel point Darina va nous faire descendre avec elle dans les tréfonds de son enfer. Sa vie et ses anecdotes me faisaient sourire, sa manière de raconter rendait la tragédie légère. Au fur et à mesure des pages, elle nous emmène dans les recoins de sa vie de plus en plus glauques, plus la guerre avance, plus on a la nausée et plus Darina sombre. Ça ne s’arrête pas avec l’accord de paix du 17 mai 1983. Elle nous fait assister à sa noyade dans l’alcool, la drogue et les relations amoureuses violentes. Elle nous emmène avec elle dans l’internat psychiatrique de la Soeur Thérèse à Jounieh. Darina Al-Joundi nous raconte comment la plus belle ville du monde peut devenir la plus immonde.

Citations

« Le soleil déclinait sur la mer. Devant l’immeuble, mon père souriant m’attendait avec un bouquet de fleurs et des Tampax. » p. 59 

« Nayla, qui tenait à passer la nuit chez une de ses amies, s’est heurtée à son refus. Ecoeurée par ce père libertin devenu liberticide, elle a tenté de se suicider en avançant une boîte d’aspre. Effrayée, j’ai voulu alerter mon père. Il a couru dans la chambre et, voyant la boite d’aspro vide, il a dit: – Qu’elle crève, si elle veut se suicider pour passer la nuit chez une copine. » p. 61 

« A part le bruit des bombes, le quartier était secoué parfois par les cris des supporters de foot. C’étaient les derniers jours de la coupe du monde et tout le Liban était rivé devant la télé. » p. 88 

 

Bye Bye Babylone, Lamia Ziadé

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La première fois que j’ai vu le nom de Lamia Ziadé, c’était à la Librairie du Boulevard à Genève. C’était au début de l’année 2016 et son premier roman graphique Ô nuit, Ô mes yeux: Le Caire, Beyrouth, Damas, Jérusalem venait de paraître peu de temps avant. La magnifique couverture, et bien sûre le thème abordé, ont tout de suite attiré mon attention. Je ne l’ai pourtant pas acheté, le livre paraissait trop parfait, un roman graphique qui parle de musique et d’orient, c’était suspect.

Depuis, j’avais plusieurs fois entendu parlé de ses livres et avais notamment entendu de très bons échos.

C’est pourtant par hasard, en cherchant des livres à emprunter à la bibliothèque féministe Filigrane que j’ai réellement découvert cette autrice et ses magnifiques dessins en empruntant Bye Bye Babylone.

Dans ce livre, Lamia Ziadé nous raconte la guerre, le Liban, Beyrouth, l’innocence de l’enfance et tellement d’autre chose. C’est un roman qui se regarde et se lit et qui nous plonge dans une espèce de mélancolie.

C’est un coup de coeur.