Ne m’appelle pas Capitaine, Lyonel Trouillot

9782330108755

 

J’ai terminé ce livre les larmes aux yeux sans trop comprendre pourquoi.

L’histoire se déroule en Haiti et nous emmène dans deux vies que tout sépare, Montagne-Noire et le Morne Dédé. Aude, la blanchette et Capitaine, la mémoire d’un quartier.

C’est un récit poétique, un rendez-vous « avec un vieux type qui a la bouche pleine de souvenirs » (p.45). Capitaine nous raconte ses morts, ses vivants, sans toujours s’adresser à son interlocutrice.

Tout le charme est dans l’écriture et dans les mots de Capitaine, c’est une lecture émouvante. En dire plus sur ce livre serait briser le charme.

Citations 

« Ne m’appelle pas Capitaine. N’en déplaise aux poètes, mes chagrins jamais n’ont eu le pied marin. » p. 13

« Les dimensions réguliers, ça ne fait pas partie des choses de la vie. Dans la réalité, tout est toujours trop grand ou trop petit, vient trop tôt ou trop tard, enfle ou rapetisse. » p.35

« Essayer, c’est un verbe très paresseux quand il s’agit d’actions qui relèvent de la décision. Les choses du gré se s’essayent pas, elles se réalisent. Si quelqu’un te demande la lune, tu peux dire que par amour, sans être certaine de réussir, tu vas quand même essayer. La lune ne dépend pas de toi. Elle a sa fierté et garde ses distances. » p.43

« Maxime, c’est moi. Moins par le sang que par cette condition commune que fut l’enfance. » p.138

Les cigognes sont immortelles, Alain Mabanckou

130451_couverture_Hres_0

Mon premier Alain Mabanckou. Pourtant, « Verre cassé » reçu à mon 25ème anniversaire m’attendait sagement dans ma bibliothèque. Il m’a néanmoins fallu cette rentrée littéraire pour découvrir sa plume.

Les cigognes sont immortelles, le titre est poétique. Je n’avais pas lu la quatrième de couverture et ne savais donc pas du tout à quoi m’attendre.

Je suis rapidement entrée dans l’histoire racontée par Michel, un jeune adolescent du Congo-Brazzaville. L’histoire se présentait comme une fiction historique et je m’attendais à en apprendre un peu sur l’histoire du Congo. Très vite, le langage utilisé par Michel a commencé à me déranger; il a 14 ans et s’exprime plutôt comme un enfant de 9 ou 10 ans. J’ai pendant une bonne partie de ma lecture été perturbée par son langage, ne sachant pas si l’auteur avait fait ce choix à bon escient ou s’il avait tous simplement fait une sorte « d’anachronisme des âges », en oubliant la maturité dont peut faire preuve un jeune adolescent de 14 ans. De plus, Michel, le narrateur, est décrit comme un personnage extrêmement rêveur, qui perdrait souvent la monnaie de son père sur le chemin du retour de l’épicerie. Pourtant, dans ses rêveries, Michel nous raconte les enjeux politiques des Etats communistes africains, la mainmise étrangère après les guerres d’indépendances, la manière dont les politiques africaines se pensent en Europe, les relations des pays communistes africains avec l’URSS, avec Cuba, les assassinats des héros nationaux, tels que Patrice Lumumba, Michel Samora, Thomas Sankara et d’autres.

D’autres problématiques, de l’ordre de l’intime sont également abordées. Notamment la polygamie à travers le regard de la mère. On ressent sa souffrance et sa jalousie dans les piques qu’elle lance à son mari. Michel, lui, nous raconte à quel point il s’entend bien avec la première femme de son père, ainsi qu’avec ses enfants. Le décalage entre le regard de l’enfant et de l’adulte est selon moi, également une thématique récurrente de ce livre. La vision du monde de Michel semble assez binaire, il y a les bons et les méchants. Marien Ngouabi, le président congolais assassiné le 18 mars 1977, fait parti des bons, c’est un est un héros, il est son idole.

A la fin de cette lecture, j’étais partagée. Pourtant le récit ne se déroule que sur trois jours, le lendemain de l’assassinat de Marien Ngouabi et les deux jours qui ont suivis. Bien que l’auteur réussit à nous fait ressentir la tension et l’incertitude qui planent après un tel événement, il y a comme un trop plein d’informations. Alain Mabanckou évoque toutes les problématiques possibles à travers les pensées et les rêveries de Michel, c’était trop pour moi. L’auteur n’a pas laissé le temps à la fiction historique de s’installer, de faire son travail, trop de sujets et de faits historiques sont évoqués; presque comme lancés à la lectrice (ou au lecteur).

Peut-être, aurais-je pu davantage apprécier cette lecture, si j’avais, dès le départ, été plus familière avec l’histoire des Etats africains communistes et surtout, avec l’histoire du Congo-Brazzaville et du Président Marien Ngouabi ?

Citations

« Ce matin Papa Roger ne veut pas écouter La Voix de la Révolution Congolaise, il s’est branché sur La Voix de l’Amérique. Il pense que seuls les Américains savent tout ce qui se passe dans le monde. » p. 149

« Si l’enfant quitte la table avant tout le monde c’est pvrcequ’il fait chaud et qu’il veut se baigner dans la piscine comme la plupart des enfants des présidents du monde entier. » p. 177

« Quand Célestine tresse une femme, même si la femme est très vilaine de visage, elle devient brusquement belle comme la sirène Mammi Wata qui habite dans les rivières de nos villages avec sa chevelure en or et sa queue de poisson. » p. 212